L'écume d'une soupe d'orties encore au creux des lèvres, elle se sauve à nouveau, à travers une forêt de blé et de fougères.
Le chemin, damé hier par ses orteils - et sûrement demain par les terrassiers - aujourd'hui s'est évaporé, aplani par la pleine lune. Sa peau de poudre assourdirait les pas d'un taureau égaré.
Elle se sauve nonchalamment, à peine retenue par le spectacle à sa gauche : une branche d'ajonc plie sous le poids d'un hôte, une limace prise dans un sommeil de plomb.
Puis elle constate sans aucun regret que les mûres à droite sont trop vertes.
Inexorablement, ses jambes fraient une voie, telles deux machettes en mousse, fouettées mollement par les fougères mouillées.
Cet instant délicieux attise une envie. Elle ferme les yeux, s'agenouille et sa langue éveillée glisse doucement sur sa lèvre. De la soupe d'orties, l'écume s'est évaporée, révélant un infime duvet de sel, en cristaux intenses.