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Textes Auteur(e)s Jean-Mi
Textes hors-recueil
76. ça nous quitte
Jean-Mi
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ça nous quitte

ça nous quitte

quelque chose s’achève un monde peut-être ou un corps
on le sent ça finit on le sent à tous ces ciels
éboulant les organes ces petits jours
qui rampent dans l’ombre digestive
quelque chose s’épuise un temps fond lentement
on aimerait dire comme la neige
mais on ne dispose pas de la blancheur
ni de la force de prendre source à cette foi
qui peut s’appeler naissance
quelque chose s’effondre sur sa lenteur le centre
étouffe sa lumière
autour on se sent encore
mais disparaître


une chose nous quitte peu être plusieurs
une masse mouvante pleine de noyades
on ne sait plus si une part de nous la retient ou bien
se désespère ou jouit de sa dérive
on ne sait plus si même on veut savoir
quelque chose ressemble à une décomposition
à un pourrissement ivre de lui-même
incapable de se vomir tout à fait
quelque chose ressemble à du passé
craquant de s’absenter se brisant
de mémoire ou seulement de temps perdu
où le présent s’acharne



paresse de nos contours
la viande et la brume fraternisent le frisson
ne s’affranchit des peaux que pour geler
décomposition à peine perceptible
seules certaines caresses la révèlent
par transparences éphémères
et l’on se sent encore aimer
mais tristement


on sait mieux à présent ce qu’une gare désaffectée
et une liberté ont à voir
reste à rire des décombres encore tièdes
on voyage au long des lézardes on se laisse
choisir par un itinéraire de rouille
on se recroqueville dans les viscères
comme dans un train de nuit
nul hors de nous désormais ne croira
aux villes que l’on traverse


le fou rire et le foutre dernières chances
mais le rire ne ronge pas encore assez de folie
pour s’émietter comme on dit en bouquet
le sexe ne plonge pas encore assez profond
pour éjaculer tout le noir
et féconder cet instant intégral
qu’on appellera la mort androgyne
si on veut l’appeler à tout prix


ça se détache par blocs de lassitude
ça craque mollement au bout des rides
quelque chose s’en va vieillir
vers des temps aux consistances inhabitables
on palpe les carotides
pour s’assurer qu’un détail vit encore
cependant ça s’éloigne dans les clapotements gris
on n’y peut rien on laisse la mutilation s’accomplir
sans même croire à ce mal dont la plaie
ressemble trop à un sourire béat


quelque chose part et l’on reste
à sentir s’épaissir le pelage d’aboulie
on s’emmitoufle de paresse et de bruits lointains
on pleut sur les feuilles avec la fin du jour
on laisse les pas perdus piétiner les paupières
quelque chose s’en va peut-être chercher ses mots
une autre chair peut-être
ou un cri ça tâtonne dans la voix qui n’est plus
ni la nôtre ni celle du dieu rauque
qui saurait hurler vrai


ça se fendille ça craquelle on s’amuse
à chercher où les lézardes
ressemblent à la ligne de vie
la paume pourtant ni les murs ne seront décryptables
on s’amuse pourtant plutôt on se distrait
quelque chose nous blesse qui nous ferait
jouer les saints si seulement
on n’en tirait aucun plaisir


oui c’est ainsi
on navigue à l’aveugle
banquise de cannes blanches
reflet parmi d’autres
dans le reflet des lunettes noires



on sait qu’à cette heure des voisins passent
sous la déférence orange des réverbères
ils s’en vont vers la gare grignoteuse de silhouettes
les quais brillent sous la patience
tandis que d’autres instants
fondent sous les gestes des peignoirs tièdes
traversent les espoirs after-shave
glissent de savonnette en solitude
de café en reflet de parking
de paupières lourdes en météo
quelque chose s’absente comme un voisin
une chose pluvieuse que l’on ne cherche même pas à suivre
tant les draps collent à la peau


on n’entend plus comme avant cette sorte de folie
froide
claquer dans les portes se coincer
entre deux étages
hanter le vide-ordures les extases
les aventures les habitudes et les massacres
des bruits
seulement des bruits de schisme las


on fouille aussi dans les miroirs les paupières
ont gonflé les rides sourient sous les regards
rougis par l’insomnie aux langues de rhum
on se laisse vieillir parce que trop faible
pour comprendre cette chose qui s’en va
traversant une multitude
d’alices transparentes et mortes


un jour on sait que ça nous quitte
dégoûté de nous on ne savait
ni quoi ni qui mériter
alors ça part
on se sent un très vieil orphelin
ça n’apitoie personne sauf soi-même
alors on s’efforce d’être victime après tout ça
tout ça qui part
sans penser à mal
ce qui ne facilite rien


ça continue ça continue ça traverse
son reflet dans les flaques
ça trouble les routes de longs frissons publicitaires
ça perce la nuit et les tempes
ça boit les nuits les éloignements noctambules
peut-être que ça nous emporterait si l’on trouvait
la force de sortir
mais non c’est la force qui nous cherche alors
que l’on pleurniche dans l’introuvable


oui ça finit mais on reste
au monde à se laisser
couver par l’ennui bien sûr
l’alcool ouvre parfois des balafres de lumière
mais on en vomit toujours les caillots
la pesanteur ne vient jamais avec
alors on reste au monde à se laisser
humilier par son foie


on sent le temps pourrir dans le confort cénesthésique
le bonheur ne se distingue plus
de la félicité des larves
quelque chose se dégrade à merveille
peut-être l’univers finirait-il par tenir
dans ce demi-sommeil peut-être
deviendrait-on dieu aux paupières lourdes
si l’on pouvait échapper
à la prière des autres


oui quelque chose s’achève infiniment
la buée de la vitre invite
à une communauté de nostalgie
sous le front un enfant nous dessine de l’index
une maison liquide
où malgré tout l’on se sent habiter
entre des murs d’haleine


on ne croit plus vraiment en nos fureurs
les nœuds coulants de la viande se serrent
sur une absence de cou
les lynchages vides s‘entassent
on ne venge rien
alors on laisse la rage inerte
tourner au ridicule


quelque chose voudrait se perdre
de croire aux martyrs fruités d’un corps de femme
supplicier l’ivresse au plus lisse
le regard titube entre des gestes fins trébuche
sur un sourire d’adolescente
s’effondre parmi les plis de jupes
puis se relève grotesque
s’éloigne dans des pas de pochard
quelque chose nous abandonne
nous laissant rire jaune
dans la sobriété grise


on se réveille tristement réel on se rassemble
à peu près autour des cils
autour de si peu mais quand même
on respire dans une apparence d’unité
des bruits de pas recommencent à hanter
le fantôme diurne qui traverse les fronts
pour se cogner aux murs


et l’on trahit l’opacité
est devenue routine la dignité
trop volatile pour la honte
on laisse quelque chose s’achever
seul un fil de salive nous relie à ce naufrage
bien trop ténu pour sauver
trop gluant pour les mots funambules
juste un tremblement argenté que seule l’épeire
serait capable
de magnifier en piège à mouches


quelque chose s’enfuit mais on obéit
toujours aux sensations qui nous traversent
laissant au passage leur part de sang
de viande et de déchets on obéit
au destin organique et à cet entrelacs de temps
qui passe pour une âme
quelque chose s’éloigne mais on reste soumis
à une coïncidence qui dit je


on trahit à force de durer
de plus en plus de rendez-vous et de serments
se baladent
incrustés dans les semelles
on ne trébuche pas l’habitude
rétablit aussitôt l’équilibre
on se veut cependant ponctuel
mais trop tard
on a gâché les rencontres bouleversantes
reste la politesse


on était là même en avance à regarder la ville
liquide dans la buée du verre
on était là on peut retrouver les témoins
on attendait naïvement comme si l’instant
allait nous engloutir
on n’aura pourtant rien mérité
sinon de voir quelque chose s'achever
sentir dans l’estomac le temps paniquer
vers le sang de secours


les jours s’allongent
on patauge dans la lumière traîne-savates
le dimanche après-midi s’acharne
les talons raclent la patience
ça tarde
ça tarde alors qu’à l’autre bout on s’enfuit
et nous entre les deux on n’ose même pas se plaindre
sans blaguer en même temps


minuit a beau déchirer les chats sous les fenêtres
la voie ferrée peut bien retentir de travaux
l’insomnie restera caressante
jusqu’à la nuque limpide
et rien ne pourra jusqu’au jour
nous convaincre du matin
ensuite il nous faudra laisser
laisser aller laisser partir
la vie se lever s’imposer bien réelle
et trahir encore une fois la nuit blanche


on ne sait pas si l’on prie
ou si une longue tristesse nous énonce
on ne sait pas si l’on parle ou si l’on est
longuement bavé par un idiot
on sent juste quelque chose comme
un continent mutilé
ou un moignon inconsolable


on n’a jamais choisi on a cédé
à un concours de circonstances désormais
nulle volonté ne se prétendra
ça vit déjà ailleurs
les hasards ne concordent plus l’arbitraire
commence à sinuer dans le nulle part


pourtant des gens nous voient
ils y croient
pourtant des gens sont sûrs de nous
nous palpent
ils ne sentent pas ce qui s’en va
leurs paumes sont franches
on voudrait savoir par un baiser friable
s’excuser





























A


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Commentaire

Posté par
le 22/02/2012
Hou, texte très sombre, et qui nous prend aux tripes. Curieuse, j'ai regardé plus bas, là où les poésies sont définies, je voulais voir si la mention « autobiographique » était portée. Quoiqu'il en soit, je me rapporte à moi-même, et je sais que quand je ne fais que « raconter des histoires », il me serait difficile de le faire, simplement avec mon imagination. Il y a toujours une part plus ou moins importante de vécu. Beau rapport de ce qui semble être du ressenti.
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