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Textes Auteur(e)s animaldan
Textes hors-recueil
55. Des fois...
animaldan
Texte daté de 2013/04
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Des fois...

Des fois, il en vient à regretter la prison.
Bon, il n’était pas des plus défavorisés, faut dire : il avait une Famille dehors, une vraie. D’origine biologique ou choisie, c’est vachement important une famille. Dans les épisodes graves, qui font du tri, c’est essentiel. Il a retrouvé ça depuis, à l’hosto, quand sa Famille lui a donné envie de s’accrocher à la Vie.
Mais c’est drôle quand même qu’il faille des circonstances extrêmes pour que ta Famille te soutienne, matériellement et moralement. Pour qu’elle te dise ou te rappelle qu’elle t’aime et que tu comptes pour elle et que tu oses dire que c’est réciproque. Pour que tu y intègres des membres nouveaux, inattendus parfois, et que d’autres en tombent comme branches mortes –que tu croyais vives et bien ancrées.
Des fois, il a envie de dormir vingt heures sur vingt-quatre, comme quand il était en taule, et qu’on lui amène sa bouffe et ses médicaments à heures régulières. La bouffe n’était pas SI dégueulasse que ça, et au moins ça c’était gratuit. Tu te demandais pas à partir du 20 de chaque mois ce que tu choisirais entre une assiette pleine et un paquet de clops. Et puis, il ne se sent pas plus utile aujourd’hui qu’alors. En taule, il essayait de tirer les autres vers le haut, sans plus d’illusion mais avec, relativement, plus de succès.
Il n’était pas emmerdé, parce qu’il n’allait jamais en promenade, et que dans les couloirs et autres lieux à risque, il avait le regard et la démarche dissuasive, il avait trouvé le coup. C’est dehors maintenant qu’il se sent le plus vulnérable. Il se dit qu’il s’est reconstruit son univers cellulaire à la va-comme-j’te-poussse, moins étanche cependant, et se demande comment s’évader de ses névroses et de ses angoisses. En zonzon, il s’était fait une petite mais sympathique réputation de dessinateur, des mecs, toutes sortes de mecs, des anges déchus et des crapules immondes, lui amenaient des photos de leur nana ou de leurs enfants, ou autres, parfois de vieilles photos jaunies et écornées, et il redessinait ça au poil. Ca lui valait en retour une cartouche d’Américaines, ou un sourire et une poignée de pognes, voire les deux. Il se sentait utile. Aujourd’hui il regarde ses toiles vierges et ses pinceaux secs, et se demande à quoi bon. Quand il ne dormait pas, il lisait. Aujourd’hui il piétine sur Face Book.
Vous saviez qu’il y a plein de gonzes qui font une connerie mahousse la veille de leur élargissement, ou à peine sortis.. ? Simplement parce que « dehors » est plus dangereux. Plus vertigineusement insondable qu’un barreau scié. Un barreau scié rend un son qui parle. Quels qu’en puissent être les risques.
Des fois, il oublie la claustrophobie, les réveils en sursaut de panique où, pendant d’interminables secondes, il se demandait où il était. Il oublie le rêve, toujours le même, qu’il faisait : Sa valise était au pied de sa couchette et il n’arrivait pas à descendre de cette couchette du « haut ». Il oublie les descentes massacrantes et piétineuses du GIGN, le trou où il lui fallait chier aux oreilles et au nez de quatorze compagnons de dortoir. Il oublie les fouilles à poil avec fesses écartées avant et après chaque parloir. Il oublie les tracasseries quotidiennes de tel ou tel maton à qui sa gueule, simplement, ne revenait pas. Il se rappelle une matonne exceptionnellement maternelle et respectueuse de l’individu qu’il a réussi à préserver là-bas, là-dedans. Il oublie que l’on dormait à poil sur le carrelage en été, et tout habillé grelottant sous la maigre couverture l’hiver. Il oublie l’horreur de voir revenir un fantôme-copain sortant de trois semaines de mitard.
Des fois il en vient à regretter la prison.
Et puis, il regarde dehors et voit du vert. Les géraniums sur sa fenêtre, les arbres et la vigne vierge sur la maison du voisin. Il se souvient qu’en sortant de la bibliothèque, il s’accrochait aux barreaux et se tractait au niveau de la lucarne dans le couloir. Et qu’il ne voyait jamais rien de vert, que le bitume de la cour de promenade et le sable aride du terrain de sports. Et combien c’était le fond de son désespoir.

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Commentaire

Jacques Raffin
Posté par
le 05/09/2013
La prison, c'est ce qu'on a trouvé de mieux sur terre pour faire croire à l'enfer...
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