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Textes Auteur(e)s Jean-Mi
Textes hors-recueil
137. PAUL VINCENSINI
Jean-Mi
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PAUL VINCENSINI

PAUL VINCENSINI

Paul Vincensini (1930-1985), "Archiviste du vent", éd le Cherche-Midi.

Stupeur du regard paumé dans la vie quand l'avenir se dérobe et la mort chatouille les pieds. Paul Vincensini, en textes souvent très courts peuplés d'êtres fragiles au destin boiteux, exprime son vertige face au « gros Néant niant niant », sa déception essentielle (« TENDRESSE : Reste à savoir / lequel des deux est le plus tendre / lequel des deux / ne mangera pas l'autre"), son immense fatigue de vivre par l'absurde ("Moi / Comme un cheval très fatigué / Qui voudrait / (Mais ce n'est pas possible) / Poser sa tête / Contre le cou d'une colombe"). Tout cela pourrait tomber dans le pathos, mais Vincensini est un grand poète du comique et de l'humour, son langage, parfois « terroriste » ("-Lo to folo lo toto. ? Ko ? Ko ?Ko ? Ko lo folo ?..."), révèle du sourire jusqu'au fou rire de la mélancolie. La tendresse tout en pudeur qui, malgré tout, résiste, le rire qui ne se « démonte » pas devant le malheur me semblent pouvoir faire justice de la réputation d'austérité que traîne trop souvent la poésie. "Archiviste du vent" regroupe l'essentiel d'une œuvre dont la relative minceur occupe une bonne place entre celles de Tardieu et Dubillard.

Je n'ai rencontré Paul Vincensini qu'une fois, à la librairie Le Pont de L'Epée. Guy Chambelland a fait les présentations. J'étais étonné car j'avais imaginé un homme au regard, au sourire malicieusement lisibles entre les rides. Pas du tout : sérieux comme le chef de service d'une administration oubliée. De sa grosse serviette, il a sorti "Toujours et Jamais", brève anthologie de son oeuvre éditée sous l'étrange label "Culture et Pédagogie". Il me l'a dédicacée, signature mêlée au dessin de deux petites casquettes. J'étais ému à la mesure de la jubilation éprouvée à chaque lecture de ses poèmes. Et je m'en veux ce matin de ne pas retrouver ce livre perdu dans mon vaste bibliofoutoir.


CHOIX DE POEMES


TOUJOURS ET JAMAIS

Toujours et Jamais étaient toujours ensemble
Ne se quittaient jamais
On les rencontrait dans toutes les foires
On les voyait le soir traverser le village
Sur un tandem
Toujours guidait
Jamais pédalait
C'est du moins ce qu'on supposait
Ils avaient tous les deux une jolie casquette
L'une était noire à carreaux blancs
L'autre blanche à carreaux noirs
À cela on aurait pu les reconnaître
Mais ils passaient toujours le soir
Et avec la vitesse...
Certains les soupçonnaient
Non sans raison peut-être
D'échanger certains soirs leur casquette
Une autre particularité
Aurait dû les distinguer
L'un disait toujours bonjour
L'autre toujours bonsoir
Mais on ne sut jamais
Si c'était Toujours qui disait bonjour
Ou Jamais qui disait bonsoir
Car entre eux ils s'appelaient toujours
Monsieur Albert Monsieur Octave


*


DES PANIERS POUR LES SOURDS


Je n'ai jamais revu cet enfant silencieux
Qui se lavait les yeux
La nuit
Dans les rivières
Je ne l'ai pas revu
Et ses amies les pierres
Ne m'ont rien dit tout bas

Il est près de la mer
Et s'est crevé les yeux
Il sort la nuit dans les clairières
Et tisse avec ses paupières
Des paniers pour les sourds


*


EPOUSE TA PARESSE


Ce sont les pierres noyées
Les racines les souliers
Les vieux bidons rouillés
Qui feront chanter la rivière
Sois comme elle
Epouse ta paresse
Ne chante pas
Sois (si tu le peux)
Chanté



*


AMOURS AMOURS C'EST BIEN TOUJOURS LA MÊME MUSIQUE


Ce long bruit de baiser
Goulu et sonore
Que fait en se vidant
Le bidet


*

Les cailloux
Me parlent
Avec de l'ombre plein la bouche



*


D'HERBE NOIRE


J'avais cueilli des fleurs pour traverser la mer
Mais j'ai dormi près de l'étang
Au milieu des chevaux
Et l'aurore emprisonne mon bouquet d'herbe noire

Je suis maintenant étendu sur le sable
Je ne pars plus
Je suis un petit aveugle
Et j'ai tout un coucher de soleil sur les jambes


*


T'es fou !
Tire pas !
C'est pas des corbeaux !
C'est mes souliers !

Je dors parfois dans les arbres


*


Dans les chambres grises
Dans les chambres bleues
Dans les chambres ombreuses
On fait du canot

L'ombre des chambres est douce
Aux navigants heureux
Les arbres penchés sur eux
Les algues dans leur sillage
C'est leurs bras c'est leurs jambes
C'est leurs cheveux
C'est dans leurs propres yeux
Qu'ils nagent
*


EN SILENCE


Les insectes font leurs petits bruits
Et leur petite farine
Dans le creux des pierres
Le temps passe
Me passe
S'entasse tout autour de moi
Je continue à dire j'ai tout le temps
Mais je ne peux plus bouger
Je voudrais tricoter
Des gilets pour les arbres


*


PETITE NUIT


Quand il fait nuit
La nuit se prend dans ses bras
Et dort sur son épaule
Comme un lilas


*


Je ne suis pas si fou
De demander l'heure à mon chien
Mais regardez
Regardez donc
Où mettrait-il sa montre
Il n'a pas de poche
Le pauvre à son gilet


*







JE NE SAIS PAS


Je ne sais pas ce qui naîtra de mon ombre
Si elle est le terreau ou la graine
Si je suis un semeur ou un fossoyeur
Ni si le champ existe
Mais je sais
Et c'est tout ce qui m'attriste
Qu'on ne sème pas dans les rivières
Ni les fenêtres


*


CALCULATEUR


Je compte les jours
Sur mes doigts
J'y compte aussi mes amis
Mes amours
Un jour
Je ne compterai plus que mes doigts
Sur mes doigts


*


L'HIVER EST EN NOUS, MES DOUX ENFANTS, OUI, EN NOUS


Cette cul de buée
Sur cette fumier de vitre
M'empêche de voir ces grands cons d'arbres


*










C'EST COMME SI


Arrêtez-vous
Un cheval trait un arbre
Dans l'escalier

Ce n'est pas vrai
C'est un chat mort
Qui dégringole
Et joue à la balle
Dans l'escalier

Assez joué
À déranger le jour sombre des choses

L'escalier boit un arbre
À la table du chat
Accoudé tête basse

J'étais là
Sans y être
Et sans n'y être pas


*


LE SERPENT


C'est un serpent sans tifs
Pensif et sans chien
Qui s'en va à la chasse
À la chasse à rien
Mais moi qui suis plus malin
Je reste à la maison
Les pieds dans les tisons
Qui s'attisent et s'excitent
En sifflant
La chanson du serpent sans tifs
Pensif et sans chien
Qui revient de la chasse
De la chasse à rien
Toutes ses mains dans les poches
Et la queue entre ses dents


*

L'OUVRIER ET LA MORT


Quel est cet homme vêtu de bleus d'ouvrier
Qui avance vers une maison blanche
Mon Dieu c'est moi
Ce n'était pas un ouvrier.

La maison blanche mon Dieu n'est pas terminée
Et il a posé sa veste dans l'entrée.
Puisqu'il n'est pas ouvrier
Et qu'il a posé sa veste dans une maison incomplète
Mon Dieu c'est qu'il est mort.

Peut-on s'étonner alors
Que les murs de la maison soient des miroirs
Qu'il les ait tous brûlés.

Mais on ne peut pas mon Dieu brûler les miroirs
.

*


LO TO FOLO

- Lo to folo lo toto.

- Ko? Ko? Ko?
Ko lo folo?

- Lo toto.

- Oh! Lo lo!
Toto lo toto?

- Toto!
Lo to folo
Mo lo po fo do miotto.

Traduction littérale:

Il a tout fêlé la tête. / Quoi ? Quoi ? Quoi ? / Quoi il a fêlé ? / La tête. / Oh ! là là ! / Toute la tête ? / Toute ! / Il l'a toute fêlée / Mais il n'a pas fait de miettes.

N.B. Tous les O de ce poème sont des O fêlés c'est-à-dire ouverts.

.

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Commentaires (5)

dahliane
Posté par
le 01/02/2011
C'est une histoire de "rien" qui m'amène ici. Tu me fais découvrir Paul Vincensini, enfin. Merci. Ne me réponds pas "de rien".
On'X
Posté par
le 27/06/2011
Merci pour ce partage d'une drôle de tendresse
Posté par
le 28/06/2011
super auteur
bravo

Toujours n'avait point recourt
et Jamais ne se trompait
silverfox199
Posté par
le 01/09/2011
Textes inspirant d'une infinie justesse
Sur un monde de l'absurde en liesse
Merci merci de ce partage manifeste
Que je commente avec maladresse

Ghjslain
Posté par
le 23/10/2011
Beaucoup de recherche et de tendresse. Un monde fou que j'aimerais connaître.
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